„L'athéisme est une idée neuve en Europe, tellement neuve qu'elle semble encore à naître. A travers les siècles, les tenants du pouvoir clérical ont traité d'athées un agnostique comme Protagoras, un polythéiste comme Epicure, un fidéiste comme Montaigne, un panthéiste comme Spinoza, ou un déiste comme Rousseau parce qu'ils ne croyaient pas bien dans le bon dieu, autrement dit: dans le dieu qui fait la loi du lieu et du moment. L'épithète fut longtemps une insulte, avant disparition de l'effet injurieux dans la seconde moitié du XXe siècle, puis, récemment, retour à l'offense qu'elle fut pendant des siècles.
Il fallut, au XVIIe siècle, les travaux d'un Pierre Bayle pour qu'on envisage enfin l'hypothèse d'un athée vertueux, tant le sans-Dieu passait naturellement pour un homme sans loi, puisque sans foi. Or on sait depuis que la foi n'interdit pas d'être aussi sans loi car, Simon de Montfort en témoigne : la croyance en Dieu est dialectiquement l'occasion de meurtres en son nom. Nombre de croyants postmodernes sacrifient en effet au cri de guerre du massacreur de cathares, qui affirmait: »Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens«! (En fait Arnaud Amaury, légat du pape, je suis au courant, pas besoin d'assaillir le courrier des lecteurs.)
Qu'on le veuille ou non, la France est bien »la fille aînée de l'Eglise« car, au sens éthologique, l'imprégnation judéo-chrétienne de notre civilisation pendant plus d'un millénaire n'est plus à démontrer. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, relisons le prologue, s'effectue »en présence et sous les auspices de l'Etre Suprême«, et non selon les principes mécréants d'un Jean Meslier, pour nommer le premier athée français - un prêtre, soit dit en passant, dont il faut lire de toute urgence le Testament, découvert à sa mort, en 1729, la Bible des athées, si je puis me permettre... La mode, ces temps-ci, est à la laïcité. Mais cette laïcité est bien souvent un fourre-tout qui permet aux judéo-chrétiens de conserver les nombreux acquis de l'ancienne religion longtemps dominante, et aux musulmans de revendiquer une place dans le concert monothéiste pour défendre leur religion, le tout au détriment de l'athéisme.”