La révolution arabe n'a pas encore eu lieu

2011. március 02. 10:18

La révolte arabe témoigne de changements politiques telluriques. En l'absence de partis crédibles, les mosquées ont longtemps été d'importants lieux de contestation.

2011. március 02. 10:18

„La nouvelle génération arabe, plus urbaine, mieux éduquée, plus ambitieuse que la précédente, offre un spectacle que peu d'observateurs, obnubilés par les progrès de l'islamisme et du terrorisme, avaient daigné remarquer. Technologiquement habile, prompte à tirer parti de l'espace urbain, partisane de slogans universels (fin de la répression, départ des corrompus, dignité et respect), son succès à infléchir le cours de l'histoire a paradoxalement tenu à ce que les régimes la croyaient négligeable. Les yeux rivés sur Al-Qaida, personne n'a songé à suivre de près ce que faisait la nouvelle génération. Des trottoirs de Tunis aux places du Caire et aux ronds-points et rocades du Golfe, la jeunesse a transformé les villes arabes en machines à protester. Ce faisant, elle rappelle une vérité importante: le réseau social le plus efficace, celui qui favorise le plus les échanges, la communication et la révolte, ce n'est pas Facebook. C'est la ville.

Les révoltes arabes vont-elles conduire à de véritables changements ? La question agite toutes les têtes, de Washington au Caire et à Riyad. L'enjeu des protestations est la fin du népotisme et de la corruption, le démantèlement des systèmes de clientèle qui, autour d'une famille ou d'un clan, drainent les énergies, stérilisent l'économie, produisent exclusion et répression. Il a fallu attendre un siècle pour que la Révolution française porte des fruits durables et que les Français viennent à bout des blocages les plus révoltants de leur société.

Il faudra certainement plusieurs décennies aux sociétés arabes pour remplacer le népotisme par la méritocratie, la corruption par l'égalité des chances, le monopole par la libre concurrence et l'autoritarisme par l'arbitrage pacifique. Une manière pour nous, Européens, d'aider à ce processus serait de faire comprendre aux dictatures arabes qu'elles ne bénéficient plus de l'amitié de Paris, de Londres et de Bruxelles. Les consommateurs que nous sommes pourraient aussi visiter plus souvent Le Caire, Tunis et Manama, et regarder d'un autre œil les commerçants, chauffeurs de taxi et autres badauds. Qui sait ? Il s'en trouvera peut-être un pour nous dire dans un grand sourire, songeant aux atermoiements de Paris face aux révoltes arabes: Français, encore un effort si vous voulez être républicains!”

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